La BD numérique au Festival d’Angoulême 2020

Alors que la 47e édition du prestigieux Festival International de la Bande Dessinée d’Angoulême (FIBD) se tiendra du 30 janvier au 2 mars 2020, la question du numérique semble plus importante que jamais.

Malgré le succès relatif du livre numérique, on peut légitimement se demander si la forte progression des webtoon risque de mettre à mal le format traditionnel de la bande dessinée.

Le webtoon c’est quoi ?

Avant même d’aller plus loin, il serait bon que tout le monde s’accorde sur les termes du sujet. Concrètement, un webtoon est une BD destinée à être lue sur smartphone ou tablette. C’est un format épisodique conçu pour être scrollé verticalement sur le téléphone.

Cette tendance vient directement de la Corée du Sud où le principe a littéralement explosé tous les records. En effet, dans son pays d’origine le webtoon représente plus de la moitié du marché de la bande dessinée (et pas moins de 500 millions de dollars de chiffre d’affaires).

Dans le métro, le bus et partout ailleurs, les moins de 30 ans dévorent épisode sur épisode de leur manga favori chaque jour/semaine. Le phénomène, déjà en plein boom au Japon et aux États-Unis, se développe à grande vitesse en France.

Le numérique et le Festival International de la Bande Dessinée d’Angoulême

Festival Angoulême BD numériqueIl ne faut pas prendre le Festival d’Angoulême pour un évènement conservateur qui n’élève au rang de bande dessinée que la BD franco-belge au format papier. Au contraire, et c’est tout au crédit des organisateurs, c’est l’un des rares festivals qui œuvre activement en faveur du renouveau de son champ d’expertise.

D’ailleurs comme le rappelle Stéphane Beaujean, directeur artistique du FIBD, “faire se côtoyer différents styles, genres, pays, auteurs, lecteurs, et accueillir la bande dessinée de demain, tel est le projet du Festival pour les années à venir.”

Il est vrai que le Festival a déjà accordé une place au numérique les années précédentes. En 2018 notamment, le concours Challenge Digital, la plateforme BDJeuneCréation et l’activité Nouveau Monde dans l’espace éditeurs avaient particulièrement marqué les esprits.

Toutefois, il semble être encore trop tôt pour que les webtoon obtiennent une place de choix dans le célèbre festival. Ceci étant dit, les récentes évolutions du marché pourraient bien redistribuer les cartes dans les années à venir.

Webtoon : la BD numérique en France

La France est particulièrement connue pour être un pays friand de bandes dessinées. Toutes proportions gardées, la population française est la première consommatrice mondiale de BD occidentales (BD et comics) et la deuxième consommatrice de mangas derrière le Japon.

Les chiffres de la BD en France en 2019

  • 44 millions d’albums vendus
  • 1 BD sur 3 vendues en France est un manga
  • Chiffre d’affaires de 510 millions d’euros

Les premières maisons d’édition pour les webtoon

En France, c’est la maison d’édition Delitoon qui s’est rapidement imposée comme le leader des webtoon. Fondée en 2011, l’entreprise propose quotidiennement des séries en HD, sous forme de téléchargement temporaire ou en lecture en ligne.

Mais pour voir le véritable sacre du webtoon il faut attendre 2018 lorsque les éditions Dupuis décident de lancer plusieurs webtoon originales et la création d’un incubateur de talent : La Webtoon Factory.

La volonté de former de nouveaux auteurs sur ce format n’est pas anodine pour le marché de la BD. Comme le rappelle Julien Louis, directeur éditorial de La Webtoon Factory, “les jeunes sont nombreux à vouloir apprendre cette nouvelle grammaire. Bulle, case et dessin en sont les fondamentaux, mais l’écriture pour le scroll, avec une logique de séries et de ‘cliffhanger’, est nouvelle dans le milieu”.

Si une maison aussi prestigieuse que Dupuis se lance sur ce secteur, il y a fort à parier que le marché prévoit d’être durablement impacté par cette pratique dans les années à venir.

Contrer le phénomène de lecture illégale en ligne

Festival Angoulême lecture en ligneAlors que les webtoon ne faisaient pas encore parler d’eux dans l’Hexagone, de nombreux lecteurs profitaient de ces chapitres gratuitement en ligne. Les BD n’étant pas licenciés en France, cela ne représentait pas une infraction légale.

Néanmoins, maintenant que le phénomène tend à s’imposer sur le marché de la bande dessinée les acteurs vont devoir lutter activement pour contrer les sites diffusant gratuitement le contenu de webtoon désormais sous licence.

En la matière, la législation reste encore très balbutiante (notamment au niveau des outils pour lutter contre ce phénomène). Cette situation pourrait, à terme, porter préjudice aux maisons d’éditions et aux potentiels webtoon francophones. Un souci que le format papier permet d’éviter assez facilement.

Bande dessinée : un avenir aux multiples facettes

Il semble inutile de prédire une nouvelle fois la mort du format papier tant, dans le secteur de la BD en tout cas, ce dernier résiste encore et toujours aux “envahisseurs”. Déjà aux prémices du livre numérique certains apôtres autoproclamés s’étaient empressés d’annoncer la fin du livre physique, sans succès.

Si pour une fois on voulait bien accepter l’idée que les formats peuvent être complémentaires plutôt qu’opposés on verrait que le format papier et le webtoon (et plus largement le format BD numérique) fonctionnent en synergie.

En effet, comme le soulignait Julien Papelier, directeur général de Dupuis, “on lance des bande dessinées natives en numérique, qui pourront aussi exister sur le papier éventuellement. Mais on revient aux origines de Spirou en permettant aux auteurs de se tester, d’installer leurs personnages, et si le succès est au rendez-vous on prévoit des adaptations en BD papier. Tout comme on pense, si ça marche, adapter certaines collections emblématiques en webtoon”.

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