Les musées à l’ère du digital

Les avancées technologiques des dernières décennies ont profondément changé les bases mêmes de notre mode de vie, dans différents domaines : informatique, sécurité, confort, loisirs… mais aussi culture et, ce qui nous intéresse ici, l’art. Qu’elles soient construites, peintes, dessinées ou projetées sur grand écran, les œuvres d’Art résonnent en chacun de nous à travers un sentiment, un souvenir ou tout simplement une passion. En quoi la technologie dont on bénéficie aujourd’hui change-t-elle cette approche ?

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Un enjeu de conservation et de démocratisation de l’Art

La numérisation de livres, peintures ou autres œuvres d’Art est un enjeu majeur de notre siècle. Conserver un patrimoine culturel passera forcément par des rénovations nécessaires afin de garder l’essence même de ce qui rend l’oeuvre en question artistique.

S’il est indéniable que la numérisation de l’Art part d’une intention louable – bien que limitée aux peintures et autres documents sur toile ou papier – certains pointent du doigt la démocratisation de ces œuvres à travers le numérique. En effet, numériser, c’est aussi rendre plus accessible, et ainsi démocratiser un Art qui apparaîtrait comme poussiéreux aux plus jeunes d’entre nous. De là à dire que cela dénature l’oeuvre en question, il n’y a qu’un pas, que les amateurs d’Art réfractaires à l’idée de voir un Van Gogh sur une tablette n’hésitent pas à franchir.

De ce fait, si l’Art 2.0 s’admire désormais sur des écrans, cela profite surtout à nous autres amateur d’œuvres. Les musées l’ont bien compris, et mettent désormais en place différents moyens de “consommer” l’Art. Au risque de le dénaturer ?

Entre réalité augmentée et réplique 3D

réalité augmentée muséeDémocratiser l’Art passera inévitablement par chercher à attirer des consommateurs dans un domaine qui ne les intéressaient pas outre mesure. On pense bien évidemment aux plus jeunes d’entre nous, qui passent plus de temps devant leur écran de téléphone qu’à admirer les tableaux exposés lors d’une visite au musée. Pourtant, ils pourraient être en avance sur leur temps !

La réalité augmentée et la réalité virtuelle ont déjà conquis le monde du cinéma et du jeu vidéo : c’est donc sans surprise que l’immersion qu’elles proposent se met désormais au service des musées. Leur but ? Dépoussiérer les musées en les rendant vivants !

La technologie de la réalité augmentée a déjà fait ses preuves en Europe comme aux États-Unis : en proposant des informations relatives aux œuvres visitées et en ajoutant un aspect ludique à sa visite, les applications des musées surfent sur la vague de la téléphonie mobile à outrance pour nous donner une bonne raison de sortir nos smartphones en passant devant une galerie de tableaux.

Mettre en contexte l’oeuvre exposée, comparer le passé et le présent de l’endroit visité, sensibiliser les plus jeunes à l’Art à travers une technologie qu’ils maîtrisent déjà ou encore expérimenter à travers les réactions de spectateurs devenant acteurs, tels sont les moyens mis en place par certains musées, qui ont bien compris qu’adopter la réalité augmentée, c’était se faire adopter par tous.

Des musées dans leur temps

Le British Museum, le Royal Ontario Museum ou encore le Musée des Beaux-Arts de Rennes, tous ont adopté la réalité augmentée via une application sur smartphone, ou l’utilisation de casques VR comme le Samsung Gear. 

Et si vous désirez admirer les plus belles œuvres sans pour autant vous rendre au musée, le Google Art Project propose des visites numériques des principaux musées du monde en fonction de leur partenariat. Vous l’aurez compris, l’Art se veut désormais plus immersif, en témoigne l’exposition des œuvres de Van Gogh qui s’est tenue à la Villette où les toiles du peintre étaient projetées dans l’intégralité de la pièce, faisant vivre une expérience d’immersion inédite aux visiteurs.

Autre utilisation de la technologie au service de l’Art qui fait débat : l’impression 3D. Si elle permet de rendre l’histoire accessible, et d’assurer une conservation optimale des œuvres d’Art – telles que les sculptures – en proposant une réplique de ces derniers aux visiteurs.

Mais admirer une copie – bien qu’identique à l’original – d’une oeuvre procurerait-elle la même admiration ? S’il est évident que notre rapport à l’Art est personnel, force est de constater qu’une impression 3D de la Vénus de Milo à la chaîne perdrait l’intérêt premier de la sculpture. À ce moment, sommes-nous en train d’admirer une oeuvre ancienne ou les progrès technologiques de notre temps ?

Forcer l’intérêt : une nécessité ?

Que ce soit pour la réalité augmentée et virtuelle, les applications informatives ou encore la scénographie de certaines expositions, le but est de proposer une expérience inédite en alliant une oeuvre de base à une plus-value numérique. Mais est-ce pour autant indispensable ? Au-delà de chercher à démocratiser l’Art en lui-même et pousser les jeunes adolescents à consommer l’Art, ces artifices peuvent apparaître comme des moyens de forcer l’intérêt des spectateurs.

Doit-on désormais voir un tableau en réalité augmentée avec un contexte et des notifications apparaissant à l’écran pour l’apprécier ? Bien évidemment la réponse est négative, chacun est libre de se rapprocher de l’Art de la façon qu’il souhaite. Mais à force d’habituer les millénnials à garder leurs yeux rivés sur leurs écrans, on pourrait bien assister à la fin de l’Art tel qu’on le connaît.

art numérique

Quand l’Art en lui-même ne suffit plus

Aujourd’hui les œuvres d’Art peuvent être numérisées puis cataloguées, répliquées et même améliorées grâce aux nouvelles technologies que propose notre époque. Si le cinéma et les jeux vidéo ont bien évidemment bénéficié de l’apport de la réalité virtuelle notamment, qu’en est-il de l’Art ?

Difficile de donner une réponse concrète pour le moment : repousser les limites de notre perception a toujours été – dans un sens – le but ultime de l’Art, au même titre que de faire éprouver un sentiment à son spectateur, quel qu’il soit. Avec un tel clivage entre les œuvres que l’on considère classiques datant des siècles ou millénaires passés et les nouvelles formes d’Art démocratisées aujourd’hui telles que la bande dessinée ou le jeu vidéo, il devient difficile de catégoriser et de donner la définition même de l’Art.

L’Art tel qu’on le perçoit inconsciemment est généralement affilié aux peintures de Léonard De Vinci, aux sculptures de Rodin et aux musiques composées par Mozart. Autrement dit, l’Art est ancien dans notre imaginaire commun. C’est pourquoi on cherche désormais à le dépoussiérer.

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Bien que ces nouvelles technologies apportent aussi bien une plus-value informative qu’un réel changement du rapport à une oeuvre, force est de constater que les tableaux, sculptures, constructions, poèmes et autres compositions musicales considérées comme des œuvres d’Art n’ont pas besoin de tels artifices pour imposer leur grandeur et susciter l’admiration.

C’est donc vers une nouvelle forme d’Art que l’on pourrait se diriger. Un Art prenant pour base la technologie présente dans notre ère et proposant une nouvelle approche. Pourquoi modifier des œuvres pensées pour être admirées à nu plutôt que d’en créer de nouvelles ?

Comment se profile l’Art de demain ?

Il est ainsi légitime de se questionner quant à l’apparence que prendra l’Art de demain. Ou plutôt les apparences, puisque les possibilités n’ont probablement jamais été aussi nombreuses. Une chose semble être certaine : nous nous dirigeons lentement mais sûrement vers un Art “perfectionné” grâce à la technologie. Une affirmation illustrée par la vente d’un tableau peint par… une intelligence artificielle. Un ordinateur peut-il créer une oeuvre qui trouvera sa place aux côtés de Mona Lisa ? Probablement pas. Il n’empêche que le tableau en question a été vendu aux enchères pour la somme de 432.500 dollars.

Entre cet exemple et d’autres intelligences artificielles composant des symphonies, il est certain qu’un jour où l’autre, nous visiterons des expositions d’œuvres créées entièrement numériquement. Resterons-nous pour autant bouche bée devant ? À force de trop chercher la perfection, ne nous dirigeons-nous pas vers la production d’œuvres d’Art certes parfaites, mais complètement lisses ? Les défenseurs de l’Art moderne répliqueront sans doute que chaque artiste a utilisé les moyens de son époque pour produire leurs œuvres, et qu’il est dans la logique des choses de suivre le même modèle.

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Sauf que jusqu’à maintenant, nous autres Hommes étions les créateurs, tandis que l’Art de demain sera probablement le fruit d’une technologie qui rendra peinture, sculpture et littérature aussi banale qu’un dessin d’enfant. Le côté unique de certaines œuvres, déjà mis en péril par la reproduction via impression 3D, pourrait complètement disparaître à terme.

Ce n’est pas pour autant que la technologie et l’Art ne font, et ne feront jamais, bon ménage, loin de là ! Chacun de ces deux domaines peut et doit apprendre de l’autre. Ainsi, il peut sembler risible de se rendre à une exposition d’ordinateurs vintage, et pourtant c’est une forme d’Art pour certains dans le sens où cela peut évoquer des souvenirs, de l’admiration ou du simple intérêt pour la culture générale.

La tragédie de l’incendie de la cathédrale de Notre Dame de Paris en est un autre exemple, puisqu’il a été annoncé que les travaux de rénovation s’aideront en partie du jeu vidéo Assassin’s Creed : Unity, se déroulant dans le Paris de la Révolution Française où notre chère cathédrale a été modélisée à la perfection. Certaines œuvres ne sont malheureusement pas immortelles, et les technologies de notre temps peuvent ainsi permettre de se plonger dans l’Histoire de notre monde en les admirant de façon virtuelle. Pour plus de renseignements sur ce sujet, rendez-vous sur ce site.

Les jeux vidéo, le cinéma, la bande dessinée : ils sont considérés comme les nouveaux arts des récentes décennies, et pourtant force est de constater qu’ils s’apprêtent à se faire dépasser par la réalité virtuelle et autre intelligence artificielle. Mais au final, n’est-il pas mieux de laisser le passé et ses œuvres tels quels pour regarder vers l’avenir ? Un avenir où artistes et numérique seront probablement étroitement liés, et où l’Art s’écrira en binaire.

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