“Let it be fear” : quand la politique rend les armes

La dernière guerre est l’histoire d’un naufrage – dans tous les sens du terme. C’est le récit d’une politique qui s’efface face à la violence, d’un jeu de trônes qui se fait seulement par l’épée et non plus par l’intrigue. Ainsi, l’épisode s’ouvre sur les complots de Varys, qui échoue à faire empoisonner Daenerys et tente de répandre l’identité véritable de Jon Snow.

Trahie par l’un de ses plus proches conseillers, Daenerys retombe dans ses vieilles habitudes et le condamne à mort. Le destin de Varys sera donc d’être brûlé vif par une reine qui n’écoute plus personne. Son exécution est claire : le temps des Littlefinger est dépassé. Désormais, tout se fera par les armes.

Pourtant, Tyrion s’obstine durant tout l’épisode. Longtemps, il tente d’incarner un semblant d’humanité avant d’être finalement vaincu par la violence. Bien qu’accablé par Daenerys, qui lui reproche d’avoir été l’oreille de Sansa et d’avoir répandu le secret qui menace son règne, Tyrion continue de lui accorder sa loyauté et tente de la remettre dans le droit chemin.

Varys mort
© HBO

Sa quête sera celle d’un vain sauvetage des innocents. Échouant à persuader Daenerys d’attaquer la ville, il obtient d’elle la promesse de cesser le combat si Port-Réal se rend. Son signal sera le son des cloches qui ont donné leur nom original à l’épisode (“The Bells” en VO) : si elle se mettent à sonner, indiquant la reddition de la capitale, Daenerys doit accepter la capitulation et mettre fin au carnage. Il y croira jusqu’au bout.

Informé par la reine de la capture de Jaime, pris au moment où il tentait de passer leurs lignes pour rejoindre la capitale, Tyrion continue de remplir ce rôle au cours d’une scène émouvante où il fait libérer son frère. L’envoyant à Cersei en lui faisant jurer de faire sonner les cloches, il le remercie d’avoir été le seul à avoir vu chez lui plus qu’un monstre.

Pour Tyrion, le temps des beuveries et des prostituées est loin. La guerre et les jeux de pouvoir ont laissé leurs cicatrices, et c’est sous cette tente qu’il achève sa transformation : désormais, il est prêt à donner sa vie pour éviter le bain de sang. Résigné, il sait que Daenerys n’acceptera pas cette ultime trahison – et on s’attend à le voir en payer le prix fort dans le prochain (et dernier !) épisode.

Jon Snow
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Jon Snow, lui aussi, capitule face à la violence. Très passif pendant une bonne partie de l’épisode, refusant le trône que lui propose Varys et inactif pendant l’exécution de celui-ci, il mène l’armée de sa reine à Port-Réal. Là, il tentera bien de résister à l’inévitable, avant d’être forcé de suivre le mouvement par l’obstination de Ver Gris à répandre la dévastation lancée par Daenerys.

Jeté dans une bataille qu’il n’a pas voulue, Jon baisse les bras et perd le contrôle de ses hommes. Sa seule victoire sera de sauver une femme d’un viol. Pour le reste, il est surtout la figure d’une impuissance un peu trop résignée pour qu’on arrive vraiment à l’imaginer roi – d’autant qu’il ne veut pas du trône.

L’histoire se répète à Westeros

Le naufrage n’est pas seulement métaphorique. Alors que la Compagnie Dorée se rassemble devant les murs de Port-Réal, prête à affronter les forces de Daenerys, la flotte d’Euron Greyjoy est attaquée par Daenerys. Évitant les tirs des balistes qui s’étaient pourtant avérées si bizarrement précises dans l’épisode précédent, Drogon plonge vers les bateaux et lance le signal du barbecue général.

L’épisode alterne les scènes de bataille avec la panique généralisée de la capitale. Menacés par l’attaque imminente, les civils terrifiés tentent de se replier vers le Donjon Rouge. Parmi eux se faufilent avec succès le Limier et Arya, arrivés de Winterfell, mais aussi Jaime, fraîchement évadé. Les deux premiers parviennent à entrer dans le château avant que l’armée n’en ferme les portes sous le nez du Kingslayer.

Jaime Lannister
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Sur les remparts de la capitale, la violence continue de se déchaîner : une à une, les balistes sont détruites et partent – très littéralement – en fumée. De l’autre côté de la ville, la Compagnie Dorée commence à comprendre que quelque chose de pas très net se trafique dans son dos. Le rempart vole en éclats derrière eux, laissant place à Drogon et lançant l’attaque de l’armée commandée par Jon.

La bataille s’ouvre sur une charge implacable des Dothrakis. Implacable et surprenante : leurs rangs semblent bien fournis après la débâcle de leur armée dans l’épisode 3. Une petite incohérence supplémentaire dans un scénario qui n’en est plus vraiment à cela près.

Les mercenaires de Cersei cèdent à la débandade générale sur le passage de l’armée de Daenerys qui s’engouffre dans la ville. Brûlés vifs par Drogon dans leur fuite, les soldats de la Compagnie Dorée en ont certainement eu pour leur argent. Pas sûr qu’on les revoie de sitôt à Westeros.

Surplombant le désastre, Cersei refuse d’admettre la défaite. Oubliant ses cours d’histoire, la reine rappelle à Qyburn que le Donjon Rouge n’est jamais tombé. Il a pourtant été pris par Ned Stark du temps où un autre Targaryen s’amusait à faire brûler son peuple. Un joli jeu de miroir maintenant que son fils adoptif mène la charge contre un nouveau tyran. Et comme un sac de la ville a marqué le début de l’histoire de Cersei en tant que reine, un sac de Port-Réal signale la fin de son règne.

King's Landing The Bells
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Valar Morghulis : Port-Réal à feu et à sang

Game of Thrones en avait presque fait son slogan : tous les hommes doivent mourir, et la série avait habitué ses téléspectateurs à la mort choquante et brutale de ses personnages. Malgré la disparition de quelques personnages secondaires, de préférence des alliés de Daenerys, progressivement totalement isolée (RIP Jorah), cela faisait longtemps que la série ne nous avait plus montré ce genre de morts. Qu’à cela ne tienne, l’épisode 5 est aussi un grand requiem.

Celui de la santé mentale de Daenerys, d’abord. Sa descente dans la folie atteint son point culminant. Elle vient prouver la triste destinée des Targaryen : “[…] la folie et la grandeur étaient les deux faces d’une même pièce. Chaque fois qu’un nouveau Targaryen naît, les dieux lancent la pièce en l’air et le monde retient son souffle pour voir comment elle va atterrir”. Habituée des coups pas très nets, Daenerys montre pour de bon de quel côté sa propre pièce est tombée.

Car les cloches se sont bien mises à sonner. Pas grâce à Jaime Lannister, trop occupé à tenter de rejoindre sa sœur et qui trouve sur sa route un Euron Greyjoy probablement médaillé olympique de natation. Pas non plus grâce à Tyrion, qui déambule parmi le désastre avec un air ahuri qui trahit l’intelligence du personnage. Pas grâce à Cersei, enfin, qui continue d’assister au spectacle depuis son perchoir.

C’est au milieu de l’avancée de l’armée emmenée par Jon Snow et Ver Gris que la reddition a finalement eu lieu. Sur leur chemin se sont dressés les derniers soldats de Cersei, sa propre armée. Terrorisés, ils ont choisi de déposer les armes plutôt que de se battre pour leur reine, marquant la fin du combat. La défaite plutôt que la mort.

Mais, alors que les cloches de Port-Réal retentissent, Daenerys passe définitivement du mauvais côté de la Force. Elle choisit le feu et la vengeance. Drogon a donc le champ libre pour ravager la cité, civils inclus. Tout est brûlé sur son passage, sans distinction : hommes, femmes, enfants, murs. Ground Zero à Port-Réal.

Pendant ce temps, le Cleganebowl tant attendu a enfin lieu. Après avoir persuadé Arya de choisir la vie plutôt que la revanche, le Limier a droit à son duel avec la Montagne. Il affronte son frère zombie aux fausses allures de Dark Vador et rejoue la triste scène de la mort d’Oberyn Martell. Les yeux enfoncés par son frère, le Limier sort son plus beau plaquage de rugby pour les précipiter tous deux dans le vide. Clegane 1 – Clegane… 1.

Jaime Cersei
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Cersei en a profité pour filer discrètement et sa fuite la mène finalement à son frère, grièvement blessé mais vainqueur d’Euron. Leurs retrouvailles au milieu des ruines sont d’autant plus tristes qu’elles marquent un brutal retour en arrière de Jaime. L’évolution de son personnage, pourtant intéressante, est soudainement rembobinée.

Décidément, les Lannister ont la mémoire courte. Oubliant de façon bien commode que sa sœur a tout de même envoyé Bronn pour le tuer, Jaime tombe dans les bras de sa jumelle et l’entraîne en clopinant vers ce qu’il espère être le salut. Pour sa peine et pour avoir fait pleurer Brienne, il gagne le droit d’aboutir à une sortie bouchée par les éboulements et de mourir avec Cersei dans l’effondrement des souterrains.

Dans la ville ravagée et cet épisode qui suinte le désespoir, Arya tente elle aussi d’échapper à la mort. Si sa fuite montre la dévastation et l’impuissance à travers des plans frappants – l’épisode a le mérite d’être remarquablement bien réalisé -, sa storyline ne mène finalement pas à grand-chose.

Arya cheval
© HBO

Finalement, le Limier aurait très bien pu mener sa quête sans elle, et la présence d’Arya à Port-Réal ne sert pas vraiment son histoire. Au contraire, la voilà qui semble renoncer subitement à la vengeance qui l’a pourtant guidée tout au long des huit saisons de la série.

Alors que son voyage augurait un retour aux sources après le déraillement de sa victoire surprise sur le Roi de la Nuit, l’épisode ne montre finalement qu’une chose : face au déchaînement de violence de cette guerre, face au carnage de Port-Réal, le salut n’est même pas dans la fuite… sauf pour elle.

Deus ex equo. L’écriture de Game of Thrones trouve judicieux de mettre sur la route d’Arya un cheval blanc sorti de nulle part. Au milieu des cendres et des décombres, elle sera donc ramenée vers le monde des vivants sur le dos d’un animal un peu trop providentiel. Il ne manquait qu’un coucher de soleil à cette fin d’épisode.

Le chemin d’Arya n’est toutefois pas terminé : la prophétie de Melisandre lui donne encore une paire d’yeux verts à tuer. Cersei étant déjà morte, les théories penchent vers Daenerys, qui pourrait toutefois mourir de la main de Jon. Certains vont jusqu’à imaginer qu’Arya pourrait tuer Drogon, le dernier dragon de la Reine Folle. A ce stade, une chose est certaine : la réponse tombera la semaine prochaine.

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